N'y a-t-il jamais eu autant d'
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] dans les eaux du bassin de la Gironde ? En quatre mois, de juin à septembre, près de 700 000 juvéniles d'
Acipenser sturio, espèce endémique de ces eaux, ont été relâchés en Garonne et Dordogne. Une véritable « armada » de poissons, nés et élevés à la station
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien][Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] de Saint-Seurin-sur-l'Isle (Gironde), à partir des progénitures des géniteurs capturés il y a désormais près de 20 ans. Les pêcheurs professionnels, partenaires du programme de sauvegarde de l'esturgeon depuis l'origine, étaient présents lors du lâcher du 6 septembre.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Acipenser sturio d’environ 3 mois © Marie-Laure Acolas Irstea centre de Bordeaux EPBX
En 1982, la France lançait un programme de sauvegarde de l'esturgeon européen. Les pêcheurs professionnels, l'association de Gironde notamment, en étaient aussitôt partenaires.
Présente historiquement du nord des côtes norvégiennes au sud du golfe de Gascogne, cette espèce migratrice frisait alors le seuil d'extinction. Aujourd'hui, il ne reste plus que quelques centaines d'individus nés en milieu naturel. On compte un million de juvéniles relâché à ce jour.
Lâchers historiques pour reproductions exceptionnelles
« Cette opération, une première par le nombre de poissons relâchés, ouvre les perspectives de repeuplement des fleuves d'Europe de l'Ouest » s'enthousiasme-t-on à Irstea. « Une première série de
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] a eu lieu en juin et juillet, en Dordogne à Fleix et en Garonne à Tonneins, non seulement pour des poissons âgés de 7 à 9 jours, mais aussi pour des esturgeons nés un an plus tôt. Une seconde série de lâchers a été réalisée avec des juvéniles d'environ 3 mois, d'une taille de 6 à 8 cm, à la fin août et en septembre, à Couthures-sur-Garonne, Castillon-la-Bataille et Pessac-sur-Dordogne. » précise Irstea centre de Bordeaux. Les poissons relâchés à Castillon-la-Bataille, le 6 septembre dernier, sont issus de « la reproduction la plus importante en termes de nombre de géniteurs mâtures et de juvéniles produits depuis 1995 » complète Irstea. Un lâcher, grandement médiatisé, organisé en partenariat avec Migado, association chargée depuis 2011 de la rpoduction de juvéniles, et placé sous le « haut patronage du ministère du Développement durable », en présence du président de la région Aquitaine Alain Rousset, du sous-préfet de Libourne Patrick Martinez, de Jean-Marc Bournigal président d'Irstea et d'élus de la Gironde.
Suivis génétiques
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Lâchers d'esturgeons par Ludovic Zecchi, président des pêcheurs professionnels de Gironde © R. Fageot
Des retours à la nature que les chercheurs suivent toujours de près. La génétique est leur alliée. Chaque poisson recapturé, lors de pêches scientifiques ou accidentellement, sera soumis à une analyse ADN. Les scientifiques pourront ainsi identifier ses géniteurs et le lâcher d'origine. « Des données indispensables pour mieux comprendre ce qui se passe dans le milieu naturel et déterminer les conditions optimales d'âge, de lieux de lâcher... pour les réintroductions futures » explique Irstea centre de Bordeaux.
En 2008 et 2009, respectivement 85 000 et 40 000 juvéniles avaient retrouvé la liberté.
L'Esturial, le navire scientifique d'Irstea, sonde régulièrement les eaux de l'estuaire de la Gironde, lieu de reproduction de l'esturgeon européen. Il y séjourne 4 à 7 ans avant de retrouver ses quartiers en mer.
Lors de la campagne 2009, sur les 51 traits de chaluts réalisés (de 30 minutes chacun), 6 esturgeons, d'une longueur totale moyenne de 60 cm, étaient capturés, marqués puis relâchés. L'année suivante, ce sont 38 esturgeons, d'une taille moyenne équivalente, qui refaisaient surface à l'occasion de près de 80 traits de chaluts. Une trentaine de sorties au chalut supplémentaires étaient effectués en 2011. Les 56 esturgeons alors capturés affichaient une taille moyenne de 70 cm. « Les analyses génétiques sont en cours. La réattribution des individus aux différentes cohortes n'est pas encore terminée. Les poissons les plus grands sont marqués avec des balises externes permettant d'enregistrer les conditions du milieu (température, salinité, profondeur) » précise Irstea.
Les captures accidentelles des pêcheurs contribuent à peaufiner l'état des lieux :
- en 2009 : 5 dans l'estuaire de la Gironde et 4 en Dordogne,
- en 2010 : 34 dans l'estuaire de la Gironde, 4 sur la côte atlantique et en mer du nord,
- en 2011 : une centaine d'individus dans l'estuaire de la Gironde et 4 sur la côte atlantique.
Les pêcheurs professionnels sont des observateurs privilégiés au travers de leurs captures accidentelles. Les esturgeons capturés sont signalés et relâchés au plus vite. Le CNPMEM et le CONAPPED ont un rôle de sensibilisation et d'informations importants auprès de leurs adhérents.
Sur la totalité des captures accidentelles, seuls deux poissons étaient morts. Tous ont été remis à l'eau.
En 2011, un nouveau plan national de restauration de l'esturgeon, d'une durée de cinq ans, voyait le jour. L'Institut des eaux douces de Berlin (IGB) y est associé. Lui aussi réalise des lâchers d'esturgeons nés et élevés en captivité, dans l'Elbe.
La nature reprendra-t-elle ses droits ?
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Lâcher d'Acipenser sturio d’environ 3 mois © Marie-Laure Acolas Irstea centre de Bordeaux EPBX
« Il n'existe pas aujourd'hui de campagne d'échantillonnage pour les individus de 3 mois. Il est donc trop tôt pour parler de reproduction naturelle 2012, qui aurait pu avoir lieu en mai-juin. Mais celle-ci est peu probable puisqu'aucune capture de géniteurs dans les fleuves ou dans l'estuaire n'a été recensée cette année » explique-t-on à l'Irstea.
« Il est très difficile de donner un chiffre, mais l'espèce sera sauvée à partir du moment où suffisamment d'adultes reviendront se reproduire en milieu naturel pour assurer la production de juvéniles et maintenir ainsi des populations pérennes dans différents fleuves en Europe » conclut Irstea.